- MOTONOBU (KANO)
- MOTONOBU (KANO)Après la mort du sh 拏gun Yoshimasa en 1490, les Ashikaga deviennent la proie de factions rivales des grandes familles guerrières qui, tour à tour, imposent ou déposent les sh 拏gun. Des enfants sont intronisés, puis exilés, des moines sortent de monastères pour leur succéder. Le désordre règne dans les provinces et dans la capitale, que de riches marchands s’efforcent d’administrer. Les bases mêmes de la société sont ébranlées et, dans ce monde en mutation, les artistes doivent contenter une clientèle plus variée. De même que subsistent un palais shogunal et un sh 拏gun dépourvu de toute autorité, de même subsiste son peintre officiel, Kan 拏 Motonobu, qui, lui, semble avoir dominé le monde artistique de son temps.Un peintre officielFils de Kan 拏 Masanobu, Motonobu s’initia probablement à l’art de peindre auprès de son père, mais il pourrait aussi avoir travaillé avec Tosa Mitsunobu, le chef de l’atelier de la cour impériale. Il aurait même, selon la tradition transmise par ses descendants, épousé la fille de ce dernier. Il succéda à son père et hérita du titre honorifique d’Echizen no kami (gouverneur d’Echizen) auquel il adjoignit celui d’Oi no suke (adjoint au directeur de l’Office des cuisines du palais impérial). Après 1546, il fut nommé h 拏kky 拏 («pont de la loi») puis, plus tardivement, h 拏gen («œil de la loi»). S’il a travaillé pour les sh 拏gun , sa clientèle comprenait aussi l’empereur (à qui il présenta en 1533 un paravent dans le style chinois), les daimy 拏 , l’aristocratie de cour et les grands monastères. Sa renommée s’étendit jusqu’en Chine et l’on conserve au Yamato Bunka-kan, près de Nara, la copie effectuée cent ans plus tard, à la demande de son arrière-petit-fils, d’une lettre très louangeuse d’un Chinois de Ningbo. Celui-ci écrivait que, si Motonobu avait la possibilité de venir sur le continent, il deviendrait volontiers son disciple. Il est possible qu’un moine zen ait apporté à Ningbo une de ses œuvres. Motonobu aurait aussi, à la demande des Ouchi, grands maîtres du commerce avec l’étranger, peint des paravents destinés à l’empereur de Chine.Un art de synthèseMotonobu fut le premier grand peintre des temps modernes au Japon. Il opéra une synthèse entre le kanga (peinture à l’encre à la mode chinoise), dont il utilisait les traits variés, et les vives couleurs du yamato-e , créant ainsi un art décoratif, très extérieur, mais d’une vigueur inconnue jusqu’alors. L’autorité de son pinceau a longtemps influencé ses descendants. Ses œuvres révèlent des tendances très diverses: outre ses compositions décoratives, il peignit pour Hosokawa Takakuni le Kuramadera engi , aujourd’hui disparu et, avec son atelier, les six rouleaux du Shakad 拏 engi (au Seiry 拏ji de Ky 拏to). Ainsi, dans le Seiry 拏ji engi , il narre avec verve le voyage miraculeux vers la Chine de la statue en bois de santal du Buddha, exécutée à la demande du roi Udayana, en l’absence de celui-ci monté au ciel des Tusita pour y visiter sa mère. Enlevée par un moine qui la portait de jour sur son dos, cette statue, s’animant la nuit, transportait alors son compagnon de route. Le voyage s’effectue à travers des vallées encaissées de hautes montagnes, qui sont tracées à larges traits par Motonobu et rehaussées de couleurs d’une grande fraîcheur. Plus loin, on assiste ensuite à la copie de cette image, faite à l’intention d’un moine japonais qui la rapporta en 985 au Seiry 拏ji. On peut rapprocher de ces rouleaux les panneaux votifs (ema ) peints sur bois en couleurs opaques, retrouvés au Kam 拏-jinja de la province de Hy 拏go; seule œuvre signée qui se soit conservée, elle représente deux chevaux blancs menés par des palefreniers. Son talent de décorateur s’affirme également dans ses éventails peints à l’encre sur un fond d’or (procédé emprunté aux Tosa) qui sont conservés au Musée national de T 拏ky 拏.Les grandes peintures muralesLe Sh 拏kokuji avait perdu son importance. En revanche, le Daitokuji, sous l’impulsion d’Ikky (1394-1481) qui avait su populariser le zen et obtenir le soutien des riches marchands de Sakai, était devenu florissant. En 1513, l’oratoire de la demeure abbatiale du Daisen-in fut orné de paysages à l’encre dans le style de Muxi par S 拏ami et de représentations des patriarches de la secte zen par Kan 拏 Motonobu: les compositions en «un coin» évoquent celles de Ma Yuan avec des traits un peu anguleux et des rehauts colorés. Ces fusuma (portes à glissières) montés en kakemono sont, à présent, au Musée national de T 拏ky 拏. Pour les pièces adjacentes, Motonobu composa des décors de fleurs et d’oiseaux scandés par de grands pins aux troncs noueux, dont le cerne reste épais mais souple et qu’animent des oiseaux rehaussés de couleurs vives. Son frère Yukinobu, mort jeune, et de nombreux disciples durent participer à ce travail. Dès ce moment, dans son atelier, la discipline dut être rigoureuse et il est souvent difficile de distinguer la main du maître qui a conçu l’œuvre des mains de ceux qui furent chargés de l’exécuter.On retrouve les mêmes caractéristiques mais avec des compositions plus sobres dans les décors exécutés entre 1543 et 1549 pour le Reiun-in du My 拏shinji à Ky 拏to, où le thème des fleurs et des oiseaux est repris sous la direction du maître dans un atelier où travaillent ses fils Munenobu (1512-1562), Sh 拏ei Naonobu (1519-1592) et Hideyori (?-1577). Sur un immense tronc de pin qui occupe la moitié de la composition et qui s’étend au-dessus d’un ruisseau issu d’une cascade, une grue est perchée; à droite, quelques oiseaux sont réunis sur un rocher peint à larges traits. Le cerne assez épais reste très souple. Une large place est faite aux vides qui donnent à la composition sa grandeur. Véritable symphonie en noir et blanc, elle porte néanmoins quelques légers rehauts colorés. Devant cette œuvre magistrale, on ne peut que regretter la disparition des décors exécutés entre 1539 et 1553 pour le grand centre de la secte amidiste Shin au Ishiyama Honganji, qui s’élevait à 牢saka et fut, en 1580, incendié par Nobunaga, désireux de châtier la superbe des religieux qui s’opposaient à son autorité. Motonobu y avait orné les sanctuaires et les résidences des supérieurs, adoptant pour ces séries un rythme que devaient conserver ses descendants: style officiel, haut en couleurs, des salles d’apparat, auquel succède celui, plus discret, des pièces de moindre importance, décor en noir et blanc des appartements privés, qui fut repris par Eitoku pour le château d’Azuchi et par Tany pour celui de Nij 拏. On donna à ce genre de programme les noms de shin , gy 拏 et s 拏 , empruntés au vocabulaire de la calligraphie: style officiel, style régulier et écriture d’herbe ou cursive.De nombreuses œuvres conservées au Japon et à l’étranger portent le cachet en forme de gourde, caractéristique de Kan 拏, mais les spécialistes remettent en cause ces attributions, les cachets ayant pu être apposés ultérieurement par certains de ses descendants.Parmi ses fils, Hideyori doit sa célébrité à sa Visite à Takao , peinte en couleurs vives sur un fond d’or; son œuvre signée annonce les créations de l’époque Momoyama (au Musée national de T 拏ky 拏). En revanche Sh 拏ei montre moins de vigueur dans les décors du Juko-in au Daitokuji, décors qui contrastent avec le talent naissant de son jeune fils Eitoku.Créateur d’un art monumental, Motonobu semble avoir discerné les dons de ce petit-fils qu’il avait formé puis qu’il prit soin, alors que ce dernier était encore tout enfant, de présenter au sh 拏gun en 1552, semblant ainsi le désigner dès son plus jeune âge comme son héritier.
Encyclopédie Universelle. 2012.